SPECTACLE

Lisa Simone emménage dans la villa où sa mère, Nina Simone, a fini ses jours. Dans un coffre, elle découvre l’autobiographie de sa mère. Soudain, quelqu’un apparaît sur le pas de la porte. C’est Nina. Cette nuit, juste cette nuit, elles se parlent à cœur ouvert. Elles ont tant à se dire. A moins que ce soit Nina qui se parle à elle-même, seule, à ressasser son passé et ses échecs ?

Le jazz et la musique classique s’entrechoquent pour interroger la filiation, l’amour, le racisme, la maladie, la lutte pour les droits civiques et l’afroféminisme. Une odyssée musicale et théâtrale, sans champagne mais avec un pianiste et deux superbes voix, sur la vie d’une artiste essentielle.

Créé en janvier 2019 en Belgique, NinaLisa a rencontré un grand succès public et critique. Il est porté par une équipe artistique qui entremêle la Belgique, Haïti et l’Afrique de l’Ouest. Isnelle da Silveira, qui interprète Nina Simone, collabore régulièrement avec les ballets C de la B et Géraldine Battesti, chanteuse, danseuse et comédienne belgo-haïtienne, a reçu le prix du public du festival Avignon Off 2016 pour « Double ». Les deux artistes sont accompagnées sur scène par Charles Loos, pianiste de jazz ayant joué notamment avec Chet Baker,  Philip Catherine et Maurane. Thomas Prédour livre ici sa première mise en scène, avec le regard du chorégraphe Serge Aimé Coulibaly.

Rencontre avec Thomas Prédour

Comment vous est venue l’idée de ce spectacle ?
J’ai entendu un jour à la radio la chanson « Sinnerman ». Évidemment, j’avais déjà entendu certaines de ses chansons, et probablement celle-ci également, mais sans m’y attarder. J’ai été frappé par le fait que cette chanson aurait pu être écrite aujourd’hui, alors qu’elle date de 1965. Sa longueur (10’ 20’’) est aussi le symbole d’une exigence et d’une radicalité qui m’ont intrigué.

Plus tard, j’ai découvert une biographie romancée (« Nina Simone, roman » de Gilles Leroy) que j’ai parcourue avec gourmandise. Ensuite, j’ai lu une biographie plus académique (« Nina Simone. Une vie » de David Brun-Lambert). Ces deux lectures m’ont fait réaliser que « Nina Simone était toutes les femmes », comme l’a très justement écrit Toni Morisson. Nina Simone est une personnalité exceptionnelle du 20e siècle, et il m’est apparu comme une nécessité absolue de porter cette vie à la scène.

Pourquoi « NinaLisa » ?
Le défi était de ne pas « simplement » proposer un concert, ou de raconter la vie de Nina Simone de manière chronologique. Dès lors, j’ai pris le parti d’aborder la relation entre Nina et Lisa, entre la mère et la fille. Cette idée m’est venue en regardant le documentaire « What happened Miss Simone » de Liz Garbus, produit par Lisa et dans lequel elle parle avec franchise de sa relation avec sa mère.

Nina et Lisa ont eu une relation très chaotique. Les tournées incessantes de Nina l’ont éloignée de sa fille. Lisa a servi sous les drapeaux américains et a fait la guerre en Irak, alors que Nina fut une ardente militante de la lutte pour les droits civiques des Noirs. Le départ des États-Unis ont éloigné et séparé la mère et la fille. Si Lisa a embrassé son destin de chanteuse dans les
années 90 en entamant une carrière à Broadway, son premier album a paru en 2014 à 50 ans. Nina, décédée d’un cancer en 2003, n’aura donc pas connu la véritable éclosion artistique de sa fille.

Comment avez-vous écrit le spectacle ?
Isnelle da Silveira et moi avons mené un important travail d’« enquête » : documentaires, livres, essais, journaux, chansons… Il faut savoir que Nina et Lisa n’ont jamais accordé d’entretien ensemble ; nous avons donc imaginé un dialogue qui aurait pu avoir lieu.

Et puis, nous n’avons pas écrit une pièce de théâtre au sens habituel du terme. Ici, les chansons des deux artistes ont une place prépondérante dans le spectacle, car elles font « avancer » le récit. C’est pourquoi la notion de « drame musical » me semble pertinente pour exprimer ce que j’ai souhaité créer. J’aurais pu écrire comédie musicale, mais ce ne serait pas la juste tonalité.

Qui sont les artistes du spectacle ? Nous les avons peu vus sur nos scènes.
Charles Loos est un des plus grands pianistes de jazz francophone. C’est un grand honneur qu’il ait accepté de participer à cette aventure. Il a d’ailleurs eu l’occasion de jouer en première partie de Nina Simone ! Isnelle da Silveira, qui interprète Nina, a travaillé un peu partout dans le monde, mais peu de notre côté de la frontière linguistique. Elle a beaucoup collaboré avec Les Ballets C de la B. Elle avait déjà travaillé sur Nina Simone, et un ami commun nous a présentés. Quant à Géraldine Battesti, je suis son travail depuis plusieurs années. Lorsque j’étais directeur du Centre culturel de Watermael-Boitsfort, elle y a fait ses premiers pas de chanteuse, et j’ai été frappé par sa présence scénique. Quand j’ai eu l’idée du spectacle, j’ai tout de suite pensé à elle.